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Du bouchau de pêche au bouchot à moules (XIe - XXe siècle)

Jacques Duguet

Si les moules de bouchot sont aujourd’hui bien connues, il n’en est pas de même du poisson de bouchau, car le dispositif de pêche appelé bouchau a disparu, du moins légalement. Dans le Marais Poitevin, le bouchau à anguilles n’est cependant pas oublié des anciens. C’est ainsi que Pierre Gachignard a récemment présenté en ces termes les bouchaux de son enfance : Bouchâ (bou-cha-ou, aujourd’hui bou-châ) n. m. : terme de pêche aux anguilles : obstacle en deux parties disposées face à face et dans l’eau, de part et d’autre d’un fossé, et destinées à fournir appui aux deux montants d’un filet dit “marotchjine” tendu la nuit en travers pour interdire le passage de la pêche en mouvement. Ces deux saillants constituent ensemble un bouchâ. (...)

Pour les bouchots à moules, nous ne connaissons pas d’attestation ancienne. Par contre, les textes sont assez nombreux qui désignent les bouchaux de pêche, sur divers cours d’eau. Nous avons ainsi rencontré le mot dans la Vienne, depuis les environs de Châtellerault au nord, jusqu’aux environs de Vivonne au sud, du XIIe siècle au XVIe. Dans ces textes, “bouchau” semble désigner le plus souvent une ouverture dans une écluse de moulin ou une vanne d’écluse, à laquelle on peut adapter un filet ou une sorte de nasse, où se précipite le poisson emporté par le courant. En Charente-Maritime, une attestation isolée, vers la fin du XIe siècle, concerne Dampierre-sur-Boutonne; deux autres sont relatives aux marais de Marans, au XIIIe siècle. Aucune de ces trois occurrences ne permet d’entrevoir un dispositif. C’est pour la Vendée que notre documentation est la plus précise; elle s’échelonne du XIIIe siècle à nos jours, pour le secteur Fontenay - le Langon - Chaillé-les-Marais, et permet de constater ici l’existence d’un autre type de bouchau, le bouchau de chenal, dans des marais. Pour l’estran des côtes d’Aunis, un bouchau de pieux en forme de V nous apparaît au XVIe siècle, qui est l’ancêtre des bouchots à moules. En effet, c’est parce que ce dispositif attirait le naissain de moules qu’il s’est conservé jusqu’à nos jours, bien que son utilisation pour la pêche ait été abandonnée. Entre temps, le suffixe régional -au (du latin -ale), qui n’était plus productif, a été confondu avec le diminutif -ot, qui s’était maintenu dans la langue. C’est ainsi que le bouchau à poissons est devenu le bouchot à moules.

(Roccafortis n°15, janvier 1995, p.311-315 )

Thèmes : langage, pêche

Bouchau et bouchot_R15 (49Ko)